vendredi 19 août 2016

La Stricte Observance Templière

Le baron de Hund et la Stricte Observance Templière d’André Kervalla, La Pierre Philosophale Editions.

La Stricte Observance Templière constitue l’un des vecteurs de la création par Jean-Baptiste Willermoz du Régime Ecossais Rectifié.
Le baron allemand Charles de Hund, à l’origine de la Stricte Observance Templière, dans une période complexe de l’histoire maçonnique et de l’histoire tout court, est une personnalité particulièrement intéressante, très controversée, parfois accusée, à tort, de tous les vices.
André Kervella, auteur de nombreux travaux historiques sur la Franc-maçonnerie cherche à répondre à cette question : pourquoi les membres de la Stricte Observance Templière furent amenés à se prétendre « héritiers des anciens chevaliers du Temple, sous l’autorité de Supérieurs Inconnus ». On sait que Willermoz trancha radicalement, et avec sagesse, cette question en renonçant à cette prétention dans le cadre du Régime Ecossais Rectifié.
Le travail d’André Kervella est important non seulement pour la période considérée, la deuxième partie du 18ème siècle, mais elle le demeure jusqu’à nos jours pour au moins deux raisons. L’idéal templier, indépendamment de la référence à l’Ordre du Temple historique perdure en Franc-maçonnerie. Le fantasme pernicieux de la prétention à une filiation historique avec l’Ordre du Temple n’a jamais cessé de polluer la scène ésotérique européenne et mondiale.



André Kervella note d’emblée que l’incapacité de la littérature maçonnique a distingué entre l’histoire des faits et l’histoire des idées, deux niveaux logiques différents exigeant des méthodologies et des analyses différentes, même si complémentaires, a exacerbé les polémiques quant aux motivations et aux références du baron von Hund.
Le projet du baron est presque concomitant à  l’apparition des grades dits écossais au début du 18ème siècle or cette apparition reste difficile à analyser en raison d’une documentation encore insuffisante et d’un contexte socioculturel et politique mouvementé. La naissance de la Stricte Observance Templière ne peut être séparée de la question stuartiste alors épineuse.
On sait aujourd’hui qui a remis au baron Charles de Hund sa patente et d’où lui venaient ses prétentions templières. André Kervella démontre aussi que qi la question stuartiste ne peut être ignorée, la SOT ne participe pas d’un complot stuartiste. Il met en évidence le rôle obscur et très politique du comte Marischal dans cette aventure. Il cerne la question de l’influence jacobite.
L’un des grands intérêts de l’ouvrage, outre l’apport historique très étayé est de contribuer à la compréhension de la construction du mythe ou à ses glissements et de poser les bonnes questions.
« A l’analyse conclut-il, c’est plutôt la notion de filiation qui suscite des difficultés. Dès qu’une institution est fondée, d’ailleurs sans avoir eu le temps de parachever son discours sur la pseudo-tradition dont elle se réclame, elle peut en créer d’autres et ainsi de suite, selon le système des loges filles qui a connu une belle expansion dans la première moitié du dix-huitième siècle ; elle peut aussi s’exposer à des vicissitudes diverses, avec d’éventuels sommeils, des discontinuités plus ou moins brutales. Quand un réveil ou un redressement se produit, ceux qui le provoquent ont tendance à se dire autorisés. Mais au nom de quoi et de qui ? Surtout, après de longues décennies, puisque l’époque a changé, ils ne sont plus dans l’imitation pure et simple de leurs prédécesseurs allégués. Ont-ils cependant des archives, des documents, qui se lisent comme un testament ? Dans l’affirmative, on les reconnaît effectivement comme des héritiers. Dans la négative, ils attirent le soupçon. D’où l’importance des patentes et autres chartes de constitution. (…)
On en conclut que, de métamorphose en métamorphose, la tradition templière, notamment dans sa composante éthique, peut fort bien avoir des émules aujourd’hui, les qualités chevaleresques étant érigées en paradigme. En revanche mieux vaut laisser aux illusionnistes l’argument de la filiation. Il était jugé capital à l’époque de Hund. C’est pourquoi on faisait grand cas de la liste fournissant sans interruption le nom des grands maîtres supposés avoir dirigé l’Ordre après la mort de Jacques de Molay. Rien ne permet aujourd’hui de lui accorder la moindre valeur. Tout porte à penser que les jacobites n’y croyaient pas non plus, et sans doute le facétieux Marischal dont les excursions dans le romanesque suffisaient à combler les libertés de son imagination. »
Cette nouvelle contribution à l’histoire de la maçonnerie templière clarifie nombre de points historiques mais aussi les enjeux tant sur le plan des communautés maçonniques concernées que sur la possibilité d’un rapport individuel lucide et créatif à la question templière.