lundi 23 mai 2011

Maître Secret

Le Maître Secret de Percy John Harvey, Tome I, collection Les Symboles Maçonniques, Maison de Vie Editeur.

Nous retrouvons dans cette première monographie d’une trilogie dédiée au grade de Maître Secret, l’un des grades les plus intéressants et les plus mal connus de la Franc-maçonnerie, les qualités des travaux de Percy John Harvey, clarté, pédagogie, pertinence initiatique, et cette entrée caractéristique qu’est le traitement du symbolisme par l’image, d’où la richesse de l’iconographie.

Ce premier tome est consacré au Symbolisme du grade. Le tome II, à paraître, traitera pour de L’Elévation au 4ème degré tandis que le tome III abordera Le Cartouche du 4ème degré et l’emblème du Maître secret. Trois parties permettent de poser le cadre du symbolisme de ce grade, particulièrement riche : la carte du Tuileur – le signe du secret – la clef ésotérique.

La partie consacrée au signe du secret, notamment au signe du silence ésotérique, ici traité en lien avec le signe pénal, intéressera au-delà de la Franc-maçonnerie, tout particulièrement les martinistes.

« Le silence, précise l’auteur, concerne le secret ésotérique. La parole est du domaine du sacré, faisant référence à la vérité divine.

Le silence et la parole sont en apparente opposition, mais se rejoignent par le secret et le sacré qui partagent une signification élémentaire voisine : la séparation.

Le secret, du latin secretum = « lieu écarté » et secretus = « séparé, à part, caché ».

Le sacré résulte de la séparation établie par la consécration, qui est une opération rituelle vouant à l’ordre du sacré ce qui appartient au monde profane.

Dans l’attente de retrouver la Parole perdue, le nouveau Maître maçon a reçu les mots M.B., substitués au véritable Mot sacré, qui appartiennent aux secrets du grade. »

Traitant de la clef ésotérique, Percy John Harvey insiste sur la richesse de la lettre Z, présente sur la clef d’ivoire, ésotérique, intérieure, lettre doublée dans le mot de passe du grade, Ziza, qui signifie « la resplendeur », mot qui n’est pas sans évoquer, le ressouvenir, la réintégration ou encore la reconnaissance…

Cette dialectique entre silence et parole ne doit pas être entendue seulement dans le contexte des interactions entre profane et sacré, elle peut s’inscrire avec force dans la seule dimension de l’interne. Il y a un silence externe et une parole externe. il y a aussi un silence interne et une parole interne.

Maison de Vie Editeur, 16 boulevard Saint Germain, 75005 Paris.

dimanche 22 mai 2011

"Ancients" & "Moderns"

Mahhabone ou la porte de la Grande Loge ouverte afin de révéler les secrets des « Ancients » et des « Moderns » présentation, traduction et commentaires de Joël Jacques, Maison de Vie Editeur.

L’édition de Mahhabone, un document du XVIIIème siècle, injustement oublié, présentant surtout la pratique des maçons irlandais, inédit en France, constitue une opportunité pour saisir la dialectique entre « Anciens Maçons » et « Nouveaux Maçons » et s’approcher du sens interne de l’initiation maçonnique quelque peu perdu. Si le texte est très londonien, particulièrement contextué, parfois déséquilibré, parfois naïf, les commentaires précieux de Joël Jacques, permettent à la fois de lui donner son sens historique et de dégager les dimensions et enjeux philosophiques que la confrontation, pas toujours fraternelle, exacerbe parfois.

Joël Jacques nous éclaire tout d’abord sur ce que sont ces Ancients et comment s’amorça le glissement spéculatif en réponse à l’évolution de la société et plus particulièrement du monde du travail :

« Nous pouvons à présent regrouper l’ensemble afin d’obtenir une image de la mouvance maçonnique la plus archaïque, c’est-à-dire celle revendiquée par les Ancients. Il s’agit d’un regroupement de Frères artisans, praticiens d’un métier et qui disposaient d’une certaine liberté de réunion et de déplacement d’un chantier à l’autre sans avoir les contraintes d’un contrat restrictif. Ils sont rejoints par d’autres compagnons, étrangers au métier et reçus dans la corporation pour leurs qualités et leurs savoirs afin de gérer les intérêts des chantiers, des Loges et de leurs membres dans un environnement économique et juridique de plus en plus complexe. Il s’agit donc bien d’un groupe de maçons Anciens, Libres (Franchisés) et Acceptés (Ancients, Free and Accepted Masons). »

Les Loges de Francs-maçons symboliques ou spéculatifs « n’ont pas été nécessairement constituées autour des métiers de bâtisseur. Ces maçons ne sont pas des constructeurs, pas plus, et c’est leur grande différence avec les « acceptés », qu’ils ne sont systématiquement gestionnaires des intérêts de l’Ordre. » A l’époque, les Loges ne sont pas aussi structurées et formalisées qu’aujourd’hui. Toutefois, nous reconnaissons dans les rituels de l’époque, les traits caractéristiques de ceux d’aujourd’hui.

La Franc-maçonnerie dite « spéculative » se trouve à la croisée de nombreuses influences, celles des Ancients, parfois par adhérence, parfois par distance, celle de la pensée philosophique des libertins et des sceptiques, des premiers regroupements de scientifiques, la pensée rosicrucienne rhénane… Elle bénéficie d’un terreau fertile et d’interrogations fondamentales, de remises en question sociétales inédites. Pour l’auteur, « la Franc-maçonnerie continentale issue des Moderns ne trouve pas directement ses origines chez les bâtisseurs. Sur ce point, à notre avis, la meilleure piste serait l’illuminisme élisabéthain et le rosicrucianisme. » Mais l’auteur reste conscient de l’hyper complexité des interactions humaines et sociétales. Il ne tombe pas dans le piège de chercher une vérité unique. Mahhabone donne à penser et son principal intérêt reste peut-être dans l’approfondissement de la pratique des rituels maçonniques.

Maison de Vie Editeur, 16 boulevard Saint-Germain, 75005 Paris, France.

samedi 21 mai 2011

Elus Coëns

Les sept sceaux des Elus Coëns de Serge Caillet, Editions du Mercure Dauphinois.

Voici le fruit de plusieurs années d’un travail approfondi consacré à la science sacerdotale des Elus Coëns

L'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers transmettait des initiations et des ordinations spécifiques, de forme maçonnique, quoique très différentes des grades maçonniques classiques. Ces initiations et ces ordinations habilitaient à la pratique d'opérations théurgiques, en quoi consistait le culte primitif, propre au sacerdoce adamique restauré par Martines de Pasqually (XVIIIème siècle). Cette école de théurgie fut celle de Louis-Claude de Saint-Martin, de Jean-Baptiste Willermoz et de quelques autres «émules», qui y recevront aussi de Martines, leur maître commun, la doctrine, apparentée au judéochristianisme, qu'ils transmettront à leur tour, l'un dans son oeuvre littéraire, l'autre dans le Régime écossais rectifié.

L’étude et, plus encore, la pratique de l’enseignement de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers sont d’une très grande exigence.

Serge Caillet, prolongeant et complétant avec rigueur le travail de Robert Amadou, analyse minutieusement ici, pour la première fois, grade par grade, les rites de réception et d'ordination des Elus Coëns, à partir des documents originaux qui nous sont parvenus. Il ouvre ainsi, pas à pas, les sept «sceaux» que représentent les sept classes de l'Ordre. Il met ainsi en perspective le cheminement initiatique d’un membre opératif de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers. Les détails et les liens présentés apportent tant à la compréhension, particulière, de la doctrine, qu’à la pratique opérative.

Cette nouvelle pierre à l’édifice de l’Ordre est d’importance. Plus que jamais, il est possible, à qui possède le vouloir, la tempérance et le cœur, d’accomplir l’œuvre opérative si difficile des Elus Coëns. Mais le travail de Serge Caillet permettra aussi aux martinistes, dans toutes les acceptions du terme, et aux membres du Régime Ecossais Rectifié, de mieux saisir l’intention de leurs courants initiatiques propres. Un livre indispensable.

Le Mercure Dauphinois, 4 rue de Paris, 38000 Grenoble, France.