mardi 29 novembre 2011

Maître Secret

Le Maître Secret, volume II, de Percy John Harvey, collection Les Symboles Maçonniques, Maison de Vie Editeur.

Dans ce deuxième volume consacré à ce grade très important, Percy John Harvey poursuit par un travail d’analyse de la cérémonie d’élévation.

Il pose tout d’abord brièvement le cadre de ce quatrième degré, de ses ouverture et fermeture avant d’étudier point par point chaque étape de l’élévation : la préparation du récipiendaire ; l’entrée de celui-ci et son accueil dans le temple ; les quatre voyages symboliques ; l’obligation et l’investiture ; l’instruction du grade.

L’ouvrage se termine par une étude des décors de la loge et du Maître Secret dont, plus particulièrement, le cartouche du 4ème degré, étoile dans le triangle dans le cercle. Il note le remplacement de la Clef ésotérique présente dans les anciens rituels du XVIIIème siècle par l’Etoile flamboyante dans les rituels modernes.

Cette Clef d’ivoire est qualifiée d’ésotérique car, précise-t-il, « elle confère à son détenteur la capacité de pénétrer la signification des choses au-delà du superficiel. Cet aspect ésotérique de la Clef d’ivoire est un moyen pour pénétrer les mystères du rite, permettant ainsi de progresser dans la voie initiatique, à la recherche de la Parole perdue. ».

L’étoile à cinq branches qui finalement remplace aujourd’hui la clef, néanmoins toujours très présente dans le grade, est, selon l’auteur, « une expression de l’Homme dans son double aspect : masculin et féminin. L’emblème XIX de Philosophia Reformata illustre cette unité de l’homme et de la femme, selon la réciprocité anima (l’aspect féminin chez l’homme) et animus (l’aspect masculin chez la femme). Cette étoile à cinq branches est une figure de l’Homme primordial (5 = 3, masculin + 2, féminin). Elle s’inscrit dans le cadre du carré équilatéral, représentant le Divin révélé. A l’intérieur, le cercle médian figure le monde terrestre de la manifestation. Le tout est contenu dans un grand cercle représentant l’univers céleste, ou le cosmos. ».

Percy John Harvey insiste sur le symbolisme de la clef et sa fonction de « décryptage » qui renvoie à la notion de secret, qui fait sens, et même le sens, de ce grade. Il ne s’agit point de se contenter des interprétations intellectuelles, « raisonnables », des symboles mais d’en chercher les arcanes, soit la puissance opérative. La clef est une « Lumière qui permet d’atteindre la connaissance voilée par le mystère, en faisant voir l’invisible, ce qui était naturellement caché ».

dimanche 27 novembre 2011

Fermeture des travaux. Ouverture à la vie

Symbolisme du rituel de fermeture en loge maçonnique par Alain Pozarnik, collection Bibliothèque de la Franc-maçonnerie, Editions Dervy.

En 1991, Alain Pozarnik nous avait offert, déjà chez Dervy, un très pertinent Mystères et actions du rituel d’ouverture en Loge maçonnique. Vingt ans se sont passés pour que les travaux se ferment sur cette « ouverture sur la vie ». Le texte a une nature testamentaire soit, du point de vue traditionnel, une récapitulation opérative qui prépare à un jaillissement de l’esprit.

Dans une introduction où Alain Pozarnik fait peser tout le poids du mot « fraternité », il rappelle la primauté de l’initiatique.

Le livre porte le sceau de la bienveillance et de la bienfaisance, cette forme si particulière d’opérativité que confèrent l’expérience et la sagesse.

D’emblée, Alain Pozarnik distingue la fonction initiatique du rituel d’ouverture et celle du rituel de fermeture :

« Le Rituel d’ouverture saisit l’homme dans son état ordinaire pour le conduire à son état le plus élevé possible d’humanitude spirituelle. »

Et de noter le caractère gradualiste de ce cheminement.

« Le parcours du Rituel de fermeture des travaux est fondamentalement différent. Il présuppose que le franc-maçon ait atteint dans le temple son souffle intérieur et lui propose une conduite à tenir dans la vie quotidienne à venir pour conserver cette conscience impalpable, la laisser vivre dans les inéluctables mouvements de la vie profane et affirmer son existence dans les situations les plus simples comme les plus difficiles. »

Il ne s’agit donc pas de retourner au profane mais de demeurer dans la conscience accrue du temps sacré au sein même du profane jusqu’à abolir cette opposition entre sacré et profane. Alain Pozarnik identifie pleinement la fonction même de l’initiation, se rapprocher de soi-même, reconnaître sa propre nature originelle et ultime. Cette reconnaissance, à laquelle invite le rituel d’ouverture, doit peu à peu s’installer définitivement en toute circonstance.

« Il s’agit d’un rapport entre l’exercice ascétique ciblé dans le temps de la Tenue et son «après» ciblé dans l’espace de vie, entre la lumière et l’ombre du pavé mosaïque, entre le silence de l’Être et l’’agitation de l’ego. Ce rapport va définir la réalité du passage entre les limites de notre vie d’homme-animal et son basculement dans l’espace profondément humain en nous faisant reconnaître le passage par un parcours inversé. Nous allons passer de la sacralité à l’ordinaire pour savoir revenir dans ce monde ordinaire vers la sacralité.

La lumière du plein midi ne dure pas longtemps mais elle peut féconder nos ombres afin qu’elles ne soient pas complètement dans les ténèbres et possèdent un double sens. »

Il n’existe pas des objets initiatiques (le temple) et des objets non-initiatiques. C’est nous qui créons des rapports initiatiques ou non initiatiques avec l’objet. Ce point est essentiel à l’initiation :

« Ceux qui sont restés profanes durant la Tenue peuvent éprouver des difficultés à suivre les préceptes du Rituel de fermeture qui tente de les éclairer en urgence pour qu’ils puissent faire vivre leurs qualités de franc-maçon à travers leurs comportements journaliers. »

Au fil de l’ouvrage, Alain Pozarnik analyse de manière approfondie les fonctions et les opérativités en jeu lors de la fermeture des travaux à travers les gestes et propos du Vénérable Maître et des premier et second surveillants, en suivant la chronologie du rituel, un rituel qui conduit à une ouverture autre au monde, dans un nouveau rapport pour un nouvel homme.

« Et si le Rituel de fermeture était une sortie vers le monde quotidien et le quotidien de ce monde une sortie vers un monde autre… un monde de conscience subtile, un monde de l’esprit ? »

A travers la dialectique ouverture / fermeture, c’est bien celle, à la fois plus sourde et plus lumineuse selon notre état de conscience, diluée ou accrue, de la vie et de la mort qui se dessine derrière l’apparence, une dialectique destinée à nous faire saisir la permanence de l’Être.

« L’initié en quête de sagesse connaît la chorégraphie des lois du monde, se marie avec elles, y existe avec justesse, enfante un homme nouveau et espère, par petites étapes successives, se prolonger par un fonctionnement autre, répondant à un autre appel que celui de l’ego. »

Alain Pozarnik aura, une fois de plus, invité à la liberté de l’esprit, à la Voie de la Connaissance. Il démontre aussi que, même si presque tout nous conduit parfois à en douter, la Franc-maçonnerie peut assumer pleinement la fonction initiatique.

Il conclut : « Bien que toutes les étapes soient nécessaires pour éveiller notre conscience, trouver, sous les gravats de la vie quotidienne égotiste, la dalle qui ouvre le chemin vers l’Être intérieur est probablement une des étapes la plus importante sur la voie initiatique du Rite Ecossais Ancien et Accepté. »

Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

Kabbale

Kabbalah. Lettres initiatiques de Jacques Ouaknin, Editions Le Mercure Dauphinois.

Nous retrouvons avec plaisir Jacques Ouaknin, Grand Rabbin bien connu en France, auteur de nombreux essais sur le Judaïsme.

Ce livre est construit sur le principe traditionnel de la lettre à un ami, principe qui coïncide parfaitement avec la transmission de la Kabbale, de maître à disciple. 32 lettres à l’ami, le lecteur donc, comme les 32 chemins de la Sagesse, associant les 22 lettres de l’alphabet hébraïque aux 10 Sefirot, « intermédiaires dont Dieu se sert aussi pour gouverner l’univers ».

L’étude de la Kabbale, cette « Science de la Vérité » est aussi riche que complexe. Elle présuppose « la connaissance de l’hébreu et de l’araméen », mais aussi la familiarité avec les textes classiques appartenant au patrimoine culturel du peuple juif, la Bible et le Talmud ». Elle est aussi une pratique rigoureuse et exigeante qui demande beaucoup de maturité spirituelle. « Il est de tradition, rappelle l’auteur, de n’entreprendre l’étude de la Kabbale qu’à partir de 40 ans. »

« La Kabbale, précise-t-il, est difficile à définir en quelques mots. Sous son aspect extérieur, elle se présente sous la forme d’un commentaire du texte de la Torah, du Cantique des Cantiques et d’une prophétie d’Ezéchiel. Au travers de ces commentaires, l’étudiant en Kabbale découvre le contenu de la mystique juive, le sens caché du message divin délivré aux humains. »

Jacques Ouaknin propose ici une initiation à l’ésotérisme de la Kabbale, accessible « au travers de l’influence qu’elle exerce sur les rites pratiqués dans le Judaïsme ».

« Mes 32 lettres vont suivre le chemin du déroulement de la journée du Shabbat dans l’ordre chronologique, en débutant par les prières d’accueil de la sainte journée le vendredi et en s’achevant par son accompagnement à l’issue du Shabbat, à la tombée de la nuit. En effet, la journée du calendrier juif commence la veille à la tombée de la nuit et s’achève le lendemain soir à la tombée de la nuit. (…)

Le Shabbat est spécifique en ce sens qu’il célèbre la Création et la spiritualité du peuple juif révélée lors de l’événement du Sinaï, deux thèmes qui sous-tendent toute la science de la Kabbale. »

Ces lettres établissent un dialogue intime qui traite de la métaphysique juive et de la cosmogonie juive comme de l’expérience mystique à laquelle invite toute la Kabbale. Jacques Ouaknin s’appuie sur la Kabbale lourianique et a opté pour une méthode appliquée. Il insiste donc sur cette respiration : « Tsimtsoum (Retrait), Shévira (Brisure), Tikoun (Réparation). Les lettres s’emboîtent dans les autres de manière dynamique. Peu à peu, se dégage une continuité du sens, de la forme à l’essence. Au lieu d’opposer des «niveaux logiques», Jacques Ouakin met en évidence, comme dans le cas du Cantique des Cantiques, un continuum du sens interne. Ce continuum qui vise à nous conduire à « plus haut sens » en refusant d’introduire de la séparation, par renversement, instaure une sagesse au sein de la vie quotidienne. Cet essai est aussi une leçon de vie épanouie.

Le Mercure Dauphinois, 4 rue de Paris, 38000 Grenoble, France.

www.lemercuredauphinois.fr

mercredi 23 novembre 2011

Ecossisme

La Franc-maçonnerie Ecossaise en France par Albert Lantoine, Editions Dervy.

En 1930, Albert Lantoine (1869-1949), poète, romancier et critique littéraire trop méconnu mais aussi historien de la Franc-maçonnerie, publie ce livre consacré au REAA « aussi célèbre que mal connu » affirme-t-il alors. Il inaugure ainsi une voie nouvelle dans la recherche maçonnique. Il introduit en effet la rigueur de la critique historique là où les mythes, pas toujours fondateurs, et surtout les légendes les plus diverses, dominent.

Cette figure libre, profondément humaniste et spiritualiste, mériterait un portrait approfondi. En attendant, nous avons ce livre qui révèle toutes les qualités de l’homme et du franc-maçon.

C’est un travail exemplaire pour l’époque mais pas seulement puisque ses travaux furent régulièrement repris par d’autres chercheurs jusqu’à nos jours.

Dans sa préface, il évoque la situation particulière de la Franc-maçonnerie française et rappelle quelques vérités fortes qui prennent un sens aigu en ce début chaotique de XXIème siècle :

« Dans tous les Etats, une société – aussi secrète soit-elle – subit le contre-coup des événements profanes et se trouve obligée, sous peine de mort, de tenir compte de leurs conséquences. Les maçonneries du monde ne peuvent réciproquement se comprendre et se juger que si elles se pénètrent bien de cette vérité. »

Il évoque dans son travail la spécificité de la Franc-maçonnerie écossaise, ce qui la distingue de la Franc-maçonnerie anglaise depuis Anderson en s’intéressant aux origines probables de l’Ecossisme et aux intentions politiques qui animent, dès l’origine, les expressions maçonniques. Les titres des chapitres sont significatifs de l’éclairage nouveau qu’il entend faire partager aux Frères : Origine de l’Ecossisme – Le pseudo-créateur des hauts grades : Le chevalier de Ramsay – L’Ecossisme au XVIIIème siècle – Unification du Rite Ecossais par le Nouveau-Monde – Création d’un Suprême Conseil en France et constitution du Rite Ecossais ancien et accepté – Le Suprême Conseil de France et ses difficultés extérieures - Le Suprême Conseil de France et ses difficultés intérieures – Les deux branches du Rite Ecossais ancien et accepté, Suprême Conseil et Grande Loge de France ou l’Unité dans la dualité.

L’ouvrage s’appuie sur des documents souvent méconnus à l’époque et proposent des thèses inédites comme, par exemple, à propos de l’entrée de la Grande Loge Ecossaise au Grand Orient en 1804. Le livre éclaire mais il dérange aussi. Albert Antoine cherche les faits derrière la mystique et les ressorts humains derrière les discours spirituels. Il démystifie mais croit en la mission universelle et particulière de la Franc-maçonnerie :

« Les peuples aspirent à une ère de concorde où toute guerre serait considérée comme une lutte fratricide. En attendant, non pas le Grand Soir embrasé d’incendie, mais ce Grand Jour baigné de lumière, les Elites, malgré les attaques injustes dont l’Ordre est toujours l’objet, se rendent compte de plus en plus de sa haute mission humaine. Et l’Ecossisme continuera d’être pour elles le havre de grâce où l’amour désarme la haine – le Royaume terrestre pour les Hommes de bonne volonté. »

S’il le poète revient au premier plan en cette conclusion, ce n’est pas sans lucidité qu’il espère en l’humanité et en la Franc-maçonnerie.

Ce livre d’historien est un livre d’homme de désir qui aspire, à l’instar du plus grand nombre, à une paix simple qui ne semble pas inaccessible. C’était en 1930, quelques années plus tard…

Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

Symbolique du Compas

Le compas, le cercle et le chemin du ciel par Alain Lejeune, collection Les Symboles Maçonniques Maison de Vie Editeur.

Le compas, l’une des trois « Grandes Lumières » de la Franc-maçonnerie, est présent dès l’antiquité, qu’elle soit égyptienne, grecque ou romaine, comme symbole mystérique.

« Les branches du compas sont évoquées dans l’écriture hiéroglyphique de l’Egypte ancienne sous la forme de l’ibis, oiseau du dieu Thot, dieu de la mesure et des nombres. La justesse de son pas permettait de reconstituer les limites des terrains après la crue. »

Si le compas de l’ibis sert à mesurer la terre, il semble que les égyptiens usaient également d’un compas solaire qui aurait servi à la parfaite orientation des pyramides. Il est donc un puissant symbole de justice et d’ajustement. Jusqu’en Chine, le compas accompagne l’acte créateur ou fondateur.

L’auteur confie au lecteur une indication importante quand il envisage le croisement des symboles, comme dans le cas de l’équerre et du compas :

« En effet, utilisé dans toutes les traditions, le croisement des symboles permet d’exprimer des relations difficilement formulables, notamment des relations de créations mutuelles, comme c’est le cas, par exemple, du yin et du yang, de certains polyèdres réguliers ou encore des relations fraternelles des frères en Loge. »

Le croisement évoque en effet la nature serpentine des opérativités qu’elles soient introductives ou terminales, gradualistes ou subitistes.

Le compas est essentiel bien entendu au traitement des tracés, des géométries sacrées ou secrètes qui accompagnent les constructions de pierre comme les constructions célestes. L’auteur développe la question de l’enseignement initiatique par le compas et le cercle qui invite au centre.

« Le cercle de l’apprenti correspond à la formulation des questions vitales auxquelles les compagnons et maîtres ont le devoir de répondre, orientant son regard vers le ciel des causes et le service de l’œuvre.

Le cercle du compagnon est centré sur le devoir de formulation et de construction du temple. »

L’ouvrage, très pédagogique, laisse toutefois les mystères se déployer dans le propos mais aussi dans une iconographie choisie dont nous retiendrons deux images significatives : celle des corps entrelacés de Fu-Xi et Nu-Wa, le couple royal chinois, mi-humain, mi-serpent et une étonnante représentation de l’être royal porteur de la couronne, trouvée au Château de Trakaï à Vilnius en Lituanie.

Maison de Vie Editeur, 16 boulevard saint Germain, 75005 Paris, France.

dimanche 20 novembre 2011

Tableaux de Loges

Les Tableaux de Loge maçonnique constituent de véritables livres d’images, véhicules privilégiés d’un enseignement traditionnel participant de l’art de la mémoire. Deux livres, complémentaires, nous rappellent ce trésor opératif placé sous nos yeux et souvent trop vite oublié.

Voyages dans les Tableaux de Loge, histoire et symboles de Dominique Jardin, Editions Jean-Cyrille Godefroy.

Dominique Jardin a fait le choix de l’approche historico-critique d’un ensemble très conséquent de tableaux, plus particulièrement ceux présents au Rite Ecossais Ancien et Accepté, mais également certains du Régime Ecossais Rectifié et du Rite Français, tels qu’ils furent arrêtés à la fin des XVIIIème et XIXème siècles.

Il énonce cette phrase forte, lourde de conséquences tant sur le plan symbolique que sur le plan opératif, « Le tableau est à la loge ce que le tablier est au maçon. ». Tout comme le tablier, il marque l’isolement du monde profane et crée ce temps à part, cette parenthèse au sein même du profane que constitue le temps sacré. D’une certaine manière, là où le tableau est dévoilé, le temple est édifié. Bien souvent, il représente les outils et décors présents au grade correspondant dans le temple. Il y a donc une dialectique et un jeu de miroirs entre le temple physique et sa représentation, jeu qui évoque ce qui ne peut être dit et reste caché.

La grande force du travail de Dominique Jardin est de nous offrir, pour explorer ces livres d'image qui peuvent parfois se montrer déroutants, une double méthodologie qui correspond à la démarche initiatique maçonnique d’une part, à la démarche historique d’autre part, pour en dégager des fonctions :

Le maçon du XVIIIème siècle, nous dit-il, entre «progressivement dans le temple et dans la signification de la représentation centrée ; derrière cette signification apparente, il s’agit de faire affleurer un autre sens, le sens caché. C’est pourquoi le tableau devient un support de méditation et un véritable objet pédagogique pour le maçon du XVIIIème siècle, tandis que certains lui attribuent une signification ésotérique (au sens ici de «caché»).»

L’historien « cherche à comprendre et à expliquer la signification des tableaux observés en démontant leur processus de construction. Pour cela, elle met à jour l’utilisation de la technique du tableau dans le tableau, celle de la mise en abîme. ».

Ce double regard, rarement productif, se révèle ici d’un très grand intérêt quand le tableau est étudié en lien avec le rituel, replacé dans le contexte historique et culturel où il fut fixé. Chaque motif est donc appréhendé pour lui-même et dans la dynamique de l’ensemble. Là est la source d’un savoir opératif.

Dominique Jardin fait parler les images, avec érudition et justesse, d’abord les tableaux de loge de la « maçonnerie bleue » puis ceux des grades de vengeance et d’élus, ceux des grades de construction, les tableaux spécifiques de la maçonnerie chevaleresque, des «grands mystères» et des grades «blancs» pour conclure de manière à la fois traditionnelle et audacieuse, évoquant un chemin depuis le « regard substitué » qui analyse au lieu de percevoir, qui commente au lieu de connaître, qui présuppose au lieu de se rendre disponible, au « regard retrouvé ».

Le défi relevé par l’historien est réussi. La démarche historienne n’étouffe pas le sens mystérique mais le soutient. D’une manière renouvelée, Dominique Jardin appelle à «voir».

www.editionsjcgodefroy.fr

Anatomie des tableaux de Loge, sous leurs formes symboliques et allégoriques de Percy John Harvey, Editions Dervy.

Percy John Harvey met ses connaissances de l’iconographie religieuse et de l’herméneutique au service de l’analyse des tableaux de loge et plus précisément des relations entre les images composant le tableau et les textes formant le rituel correspondant.

« Cœur » symbolique de la loge, véritable « centre » opératif, autour duquel et par lequel se mettent en place les travaux, le tableau de Loge manifeste l’axialité du Temple. Il est un élément de la culture nomade des loges au début de la maçonnerie spéculative tout comme le rituel d’ouverture qui sacralise l’espace et le rituel de clôture des travaux qui rend l’espace à sa destination profane. Il est un élément de permanence au sein de l’éphémère.

« Catéchisme visuel », il est aussi véhicule d’un enseignement qui se donne à dire, pour une part, mais qui œuvre aussi silencieusement. Cette fonction pédagogique, ancienne, a engendré des tableaux d’une grande sophistication traditionnelle, synthétisant en eux-mêmes, le corpus du grade correspondant.

Percy John Harvey inspecte l’environnement symbolique du tableau de Loge, le Pavé mosaïque, les trois Fenêtres de la Loge, les trois Piliers et les trois petites Lumières avant d’analyser la topographie des tableaux. Il distingue par exemple six zones dans les tableaux des premier et deuxième degrés : un côté obscur, un côté clair, trois sections de haut en bas, une partie médiane, chacune avec une fonction symbolique précise. Il distingue les tableaux des grades symboliques de ceux des grades allégoriques comme celui du grade de Maître. Les invariants des très nombreux tableaux du grade de Maître évoquent fortement la mort et plus subtilement le relèvement.

Comme toujours, Percy John Harvey développe son propos à partir d’une iconographie riche et soignée.

Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

Tables de correspondances

Liber tabularum mago-kabbalisticum et hermeticum par Fred MacParthy, Sesheta Publications.

Il y a en Occident une très ancienne tradition des tables de correspondances magiques, kabbalistiques et hermétiques, principalement dans le courant rosicrucien et néo-rosicrucien. Fred MacParthy a réalisé un travail considérable pour rassembler, et surtout interroger, ces nombreuses tables de correspondances qui sous-tendent ou encadrent des pratiques traditionnelles diverses.

Ces tables sont nées du génie, ou du démon, de la comparaison qui anime l’être humain raisonnant. Très tôt, le partage des connaissances entraîna une recherche de correspondances entre des observations de la nature inscrites à la fois dans une axialité, le rapport immédiat, direct, à la nature et dans une culture, une pensée de la nature. A la Renaissance, on remarque une véritable transdisciplinarité et une érudition partagée qui vont notamment fonder l’humanisme.

Fred MacParthy note une interpénétration des systèmes, un mélange des Traditions, inévitable sans doute, qui balaie aussi définitivement l’idée réductrice d’une soi-disant « pureté ». Tout courant est au confluent d’influences multiples et s’en nourrit.

Au XVème siècle apparaissent les premières classifications par tables de Jean Trithème, la Sténographie et la Polygraphie. Cornélius Agrippa poursuivra en ce sens, s’appuyant sur le Picatrix. Au XVIIème siècle, le mouvement Rose-Croix développera son enseignement, notamment par des tables de correspondances. Cet usage ne cessera de se développer jusqu’à nos jours.

Fred MacParthy pose une autre question d’importance, celle des kabbales. Après avoir clarifié l’ambiguïté orthographique, il rappelle une distinction nécessaire entre Qabale théosophique ou Qabale spéculative et Qabale extatique ou contemplative, qui après Aboulafia, engendre une Qabale théurgico-mystique, appelée dans la Kabbale chrétienne contemporaine Qabale magique ou théurgico-magique. Cette évolution correspond à une évolution des pratiques incluant progressivement la prononciation des Noms divins. Ces questions vont se traduire par la multiplication des arbres de vie aux graphismes multiples.

Avec des ordres plus récents, de la fin du XIXème et du début du XXème siècles, nous voyons apparaître un nouveau problème : nombre d’erreurs, de copies ou d’interprétations, se sont glissées dans les tables de correspondances usitées.

Fred MacParthy propose en un gros et beau volume de 900 pages un ensemble remarquable de tables, classant, pour l’usage, des entités associées à leurs fonctions et déclinant les correspondances possibles. Un certain nombre de tables introduisent des correspondances orientales puisque Aleister Crowley avait introduit celles-ci dans son Liber 777.

L’auteur souhaite, avec sagesse, que ce livre soit « un guide dans l’étude et la pratique des Sciences Occultes. Mais aussi un sujet de controverse entre les systèmes d’attributions, un outil de réflexion et un premier pas vers d’autres études que certains d’entre vous, lecteurs, allez entreprendre par l’intermédiaire de ces tables de correspondances. ».

Sesheta Publications, 2 bis rue Damiette, 76000 Rouen, France.

www.sesheta-publications.com/

mercredi 16 novembre 2011

L'Esprit des Choses

L'Esprit des Choses, Nouvelle Série, en langue française, n°5.

Sommaire : Editorial - Dossier Emmanuel Swedenborg : Le Saint Esprit, mythe ou réalité par Claude Bruley ; La Trinité dans le sacré et le quotidien par Claude Bruley ; Le symbolisme du froid par Claude Bruley ; La résurrection est-elle immédiate ? par Claude Bruley ; Swedenborg, la vie après la mort par Claude Bruley ; Swedenborg, le prophète venu du froid par Charles Byse – Documents : Caractéristiques de la Franc-maçonnerie par Serge Hutin. 16 Euro l’unité à l’ordre du CIREM, BP 08, 58130 GUERIGNY-FRANCE.

Borghini

Nous vous signalons une excellente revue martiniste numérique italienne, Borghini, du nom d'un grand hermétiste de l'époque de Francesco I de Medici, Vincenzo Borghini. Cette publication est le fruit des travaux de la Loge Don Vincenzo Borghini et des soeurs et frères martinistes de Toscane.
Quatre numéros, disponibles en PDF sont déjà parus.

Voici le sommaire du n°4 : NASCITA DELLA MAGIA 1° di Poimandres S.I.L.I. - NEOPAGANESIMO E MOVIMENTI WICCA di Igneus S.I.L.I. - DELLA SANTA SCIENZA di Robert Amadou - BRICIOLE DI ASSURDITA' SACRA di Remy Boyer - traduz. di Alexander S.I.L.I. - LA VIA DEL CUORE di L.C. di Saint-Martin - traduz. di Alexander S.I.L.I. - LA DIVINA SOPHIA di Giordano Bruno.

Information : bettaglim@gmail.com

samedi 5 novembre 2011

Martinès de Pasqually

Martinès de Pasqually, un énigmatique franc-maçon théurge du XVIIIème siècle, fondateur de l’ordre des Elus Coëns de Michelle Nahon, Pascal Galodé Editeurs.

Michelle Nahon vous est familière comme présidente de la Société Martinès de Pasqually depuis 1997. Elle signe là un ouvrage historique de référence sur le fondateur énigmatique de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns. Fruit de vingt années de recherches et d’un travail collectif rigoureux, cet essai tente de cerner la personnalité insaisissable de ce théurge inscrit en Franc-maçonnerie et de retracer un parcours parfois chaotique. Ce faisant, Michelle Nahon pose les jalons d’une histoire raisonnée de l’ordre qui lui aussi ne se laisse pas aisément découvrir, tant en ses formes qu’en ses finalités opératives.

Martinès de Pasqually, tout comme Cagliostro mais avec moins de polémiques sans doute, fascine, intrigue et effraie parfois le milieu maçonnique français dont il force quelque peu l’entrée grâce à des patentes étrangères. Martinès a un projet très précis, inscrire dans un cadre et un contexte maçonniques un ensemble théurgique non maçonnique qui constitue un culte théurgique. Toute sa vie sera organisée autour de ce projet qui, quoique très avancé, restera inachevé à sa disparition. Beaucoup d’imprécisions n’apparaissent qu’au moment d’opérer et il faudra aux « émules », Saint-Martin en tête, penser ce système complexe, en chercher la logique interne, pour trouver des réponses sans lesquelles les rituels ne sauraient être accomplis.

Michelle Nahon nous raconte la vie d’un homme, de ses compagnons d’aventure, de ses adversaires aussi, une vie pour une part bordelaise puisque Martinès de Pasqually vécut à Bordeaux de 1761 à 1772. Elle permet de comprendre la genèse temporelle d’un mouvement qui eut et garde une influence considérable sur l’illuminisme en général.

Le livre ne résout pas toutes les énigmes que posent la vie et l’œuvre du personnage, c’est d’ailleurs impossible, mais il pose un cadre rigoureux à la recherche historique. Il montre aussi combien la pratique théurgique est difficile quand le contexte devient hostile et il le devient rapidement. D’incompréhension en incompréhension, une question demeure posée pour Martinès comme pour Cagliostro : « Ne vaut-il pas mieux pour vulgariser un système interne éviter la tentation maçonnique ? ». Cette question, régulièrement débattue dans des collèges internes au cours des deux derniers siècles, trouve dans ce livre des arguments contradictoires mais qui ne manquent pas d’intérêt.

Enfin, Michelle Nahon, dans sa conclusion, rappelle qu’elle ne fait pas de l’archéologie mais traite d’un sujet vivant :

« L’Ordre de Martinès est resté en sommeil et son fils ne l’a pas remis en activité, mais ce n’est pas pour autant que sont perdus tout ce travail, tout cet enseignement et tous ces textes. Le Maître a su apporter à ses émules une formation solide, critique, éthique, avec des bases de réflexion philosophique et une forme d’ésotérisme chrétien qui vont leur permettre d’avoir un rôle important dans l’évolution de la franc-maçonnerie et de l’illuminisme. A cette formation théorique, il a ajouté des techniques qui leur ont permis d’être dans une certaine réceptivité et de développer une capacité à se mettre à distance des événements et des idées reçues. »

Pascal Galodé Editeurs, 18 rue de Toulouse, 35400 Saint-Malo, France.

http://pascalgalodeediteurs.com

mercredi 2 novembre 2011

Les Leçons de Lyon

Les Leçons de Lyon aux Elus Coëns, un cours de martinisme au XVIIIème siècle par Louis-Claude de Saint-Martin, Jean-Jacques d’Hauterive et Jean-Baptiste Willermoz, publié sous la direction de Robert et Catherine Amadou Editions Dervy.

Voici la réédition attendue des Leçons de Lyon, publiées en fac-similé par la revue L’Esprit des Choses du CIREM de 1991 à 1995, puis en ce livre en 1999, dans la collection du même nom, L’Esprit des Choses, dirigée par Robert Amadou et le CIREM chez Dervy, collection aujourd’hui disparue.

L’introduction et la préface aux Leçons de Lyon, rédigées par Robert Amadou, sont toujours utilisées comme instruction au sein de certaines manifestations actuelles de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers. Elles posent un cadre nécessaire, historique et initiatique, à la pratique opérative des Elus Coëns. Rappelons que cet ordre n’a de sens que dans la pratique approfondie des opérations complexes qu’il propose et que toute vision extérieure est nécessairement erronée même si elle n’est pas toujours inutile.

Les Leçons de Lyon constituent un apport indéniable à la compréhension du système mis en place par Martines de Pasqually et à sa pratique. Les analyses croisées de l’ensemble des documents du Fonds Z, du « Manuscrit d’Alger », du Traité de la réintégration et des Leçons sont indispensables à la mise en place des rituels d’opérations théurgiques de l’ordre. Beaucoup d’informations nécessaires à l’opérativité des rituels se trouvent en effet dans d’autres documents. Pour suivre l’injonction de Robert Amadou, « Opérons donc ! », un travail préalable, souvent fastidieux mais qui entraîne des moments précieux où les choses (sinon la Chose) s’éclairent enfin, se révèle indispensable. Il est en effet facile de se perdre en ne considérant que l’apparence maçonnique du système ou en confondant le système théurgique martinéziste avec l’un des multiples systèmes magiques que les deux derniers siècles ont produits. D’autres écueils plus subtils apparaîtront à qui s’engage dans ce travail. Il s’agit d’un culte, Robert Amadou parle de « Culte primitif », d’une célébration lumineuse et non d’un acte de préhension.

Cette réédition, précieuse sur le plan de la recherche historique, l’est plus encore sur le plan de la recherche opérative. Ajoutons que les martinistes et les francs-maçons du Régime Ecossais Rectifié, parfois peu au fait de la source même des courants qui sont les leurs, trouveront dans ce livre matière à compréhension de leur propre cheminement.

Editions Dervy, 19 rue Saint Séverin, 75005 Paris, France.

mardi 18 octobre 2011

La Voûte Etoilée

La Voûte Etoilée et l’astrologie initiatique de François Figeac, collection Les Symboles Maçonniques, Maison de Vie Editeur.

Nouveau titre de cette précieuse collection, La Voûte Etoilée et l’astrologie initiatique traite d’un symbole majeur de l’édifice maçonnique, trop souvent négligé.

« La voûte étoilée est une matrice dans laquelle temps et espace ne font qu’un : l’espace devient temps au fur et à mesure que la Lumière le traverse. Chaque heure se manifeste par l’apparition à l’orient, au moment où le soleil émerge des ténèbres, d’une étoile, ou d’un groupe d’étoiles formant une constellation remarquable. Avec les planètes et les astres, ces étoiles particulières composent les membres d’un grand corps, celui de l’Être cosmique. Lorsque la Lumière a parcouru la totalité de ce corps, l’être cosmique est reconstitué et son corps régénéré. Par le symbole de la voûte étoilée, le temple maçonnique est en relation avec l’éternité, non seulement une éternité de l’instant, mais également une éternité des cycles. La présence de la voûte étoilée dans le temple permet donc de participer de ces deux éternités dans lesquelles s’inscrivent les tenues maçonniques. »

L’auteur fait remarquer avec justesse que si la voûte étoilée, lieu des naissances et des renaissances qui évoque l’œil Oudjat de l’Egypte ancienne, « couvre » et protège le temple, objet et creuset de l’œuvre tout à la fois, elle est à la fois une porte et un enseignement.

François Figeac insiste sur la fonction du rite par qui « un lieu d’éternité devient un éternel présent ». Ce retour opératif à l’instant de l’origine donne accès au monde des naissances et des puissances.

« Le Rite est inséparable de l’astrologie initiatique. Celle-ci, en effet, montre comment vivre en cohérence avec l’ordre céleste et comment tisser le lien qui unit naissances et puissances. L’astrologie initiatique offre la possibilité de connaître le ciel des causes et de le concrétiser en édifiant une voûte étoilée qui soit une authentique matrice de naissance, et un support de recherche constant pour une loge initiatique. (…)

La connaissance astrologique fait prendre conscience du lien existant entre les êtres incarnés dans un espace-temps et la matrice originelle dont ils sont issus. La voûte étoilée, qui met au monde chaque jour les puissances de création visibles dans le ciel par leur forme stellaire, est le rappel constant de la pertinence de ce lien qui invite les êtres à dépasser leur destin individuel pour participer à la transmission de la lumière. »

Renouant avec l’approche hermétiste, l’auteur met en évidence l’opérativité d’une astrologie initiatique reliant l’être de l’individu au grand corps de l’Homme cosmique. Il s’agit de rétablir l’acte magique en soi : le bon geste, au bon moment, au bon endroit, ce que toutes les traditions recherchent à travers la présence.

Maison de Vie Editeur, 16 boulevard saint Germain, 75005 Paris, France.

mardi 4 octobre 2011

La prière silencieuse

Petit traité de la prière silencieuse de Jean-Marie Gueullette, Editions Albin Michel.

Prière monologiste, prière sur un mot, prière du silence intérieur, oraison de simple regard… il existe bien des manières de nommer une pratique chrétienne fort ancienne, très pratiquée au XVIIème siècle en France, malheureusement oubliée, qui consiste à se consacrer à la répétition intérieure d’un nom de Dieu pour se rappeler d’instant en instant la présence divine, pratique qui évoque l’hésychasme des Eglises orthodoxes, dont elle n’est pas éloignée.

Ce magnifique Petit traité de la prière silencieuse est l’œuvre d’un dominicain, Jean-Marie Gueullette, docteur en théologie et médecine, professeur de théologie à l’Université catholique de Lyon, directeur du Centre interdisciplinaire d’éthique. Il est notamment connu pour ses travaux sur l’influence de Maître Eckhart en France au XVIIème siècle.

Forme de prière parmi d’autres, cette manière de prier fait partie des voies directes, simple, très simple, et donc difficile pour nos consciences agitées. Trop austère pour certains, parfaitement ajustée à d’autres quand le temps est venu de se simplifier, de se dénuder, cette pratique (ou cet art) a la même fonction que certaines pratiques de méditation orientale, se rapprocher de soi-même, laisser libre la place pour l’être, le soi, Dieu, quelle que soit l’approche, « laisser ce qui n’est pas dieu ». Ce rappel à Dieu, ou le ressouvenir de la présence de Dieu se fait par un mot unique, désignant Dieu, Abba, Adonaï, Kyrie eleison, le nom de Jésus, etc., le nom que l’on donne, spontanément, à Dieu, chemin naturel vers le sanctuaire du silence. C’est tout à la fois un combat, contre toutes les périphéries phénoménales et un lâcher prise à ce qui est là, une technique et une absence de technique, un regard vers Dieu et un laisser faire, laisser Dieu nous dévisager pour se reconnaître en nous. On voit là l’influence de Maître Eckhart.

« La prière silencieuse est une activité, marquée par cet acte intense de la volonté, par l’acte de foi inlassablement renouvelé en la présence de Dieu. Pourtant il s’agit de rester sans rien faire en présence de Dieu. »

Jean-Marie Gueullette met en garde à la fois contre le symbolique, nous sommes bien au-delà, contre la réduction du nom, le nom désigne l’indicible, contre l’expérience, nous sommes aussi par-delà toute sensation. Il rappelle l’absence de tout rapport objet-sujet, de tout désir causal, de toute finalité, de tout sens, de toute relation d’attente… Il insiste sur l’attention du cœur.

« La prière est donc un mouvement inlassable de reprise de soi, dans lequel le croyant se rattrape lui-même dans son mouvement vers l’extérieur, pour ramener son attention et donc sa présence en lui-même, où Dieu l’attend. »

Editions Albin Michel, 22 rue Huyghens, 75014 Paris.

lundi 8 août 2011

Le travail des Maîtres

Le chœur des Maîtres. Le travail en séminaire de Maîtres. Le rituel d’élévation, par Sophie Perenne, Maison de Vie Editeur.

Sophie Perenne met son expérience et son érudition traditionnelle au service des Maîtres Maçons. Elle conduit des séminaires de Maîtres destinés à approfondir ce grade souvent vécu superficiellement, alors que sa réalisation constitue l’essence même de la Franc-maçonnerie.

« Ces séminaires précise-t-elle, ont pour but d’éviter les blocages devant le troisième degré, d’évoluer sereinement dans ce grade en continuant à développer la faculté – parfois embryonnaire – d’utiliser la méthode symbolique. En proposant un lieu où rassembler en soi l’apprenti et son fil à plomb, le compagnon ouvert aux autres et le maître qui tend à avoir une lecture globale des degrés symboliques, ils préparent ceux qui y participent à occuper de futures charges, à aborder les hauts grades et à tracer les morceaux d’architecture de qualité.

Leur intérêt est d’une part d’entretenir l’envie de progresser grâce à un environnement stimulant, d’autre part d’élargir son point de vue en s’enrichissant des différences pour amorcer des questionnements et dépasser le sens donné précédemment aux degrés et aux symboles. »

Remarquons que ce type de séminaire, absolument nécessaire dans une Franc-maçonnerie en perte de son identité initiatique, peine à s’imposer alors que d’autres courants traditionnels le proposent depuis longtemps, pythagoriciens, martinistes, notamment.

L’ouvrage nous propose quatre parties. La première présente l’organisation et la finalité des séminaires de Maîtres, l’esprit du travail et le processus recherché. La deuxième traite de l’élévation au grade de Maître, que Sophie Perenne distingue judicieusement du titre de « maître-maçon » : « Être maître, c’est avoir son cadavre, sa mort, derrière soi, avoir visité l’intérieur de la terre. Être « maître-maçon » c’est avoir été revêtu de ce titre par l’Obédience. Ne pas faire cette différence reviendrait à estimer qu’il n’y a pas de maître en dehors de la franc-maçonnerie. ». La troisième partie aborde la maître et la maîtrise en répondant, de manière très ouverte, mais rigoureuse, à une série de questions : Qui est Hiram ? – D’après le rituel à quoi reconnaît-on le maître ? – Dans la loge à quoi reconnaît-on le maître ? – Peut-on se reconnaître soi-même comme maître ? – Le maître peut-il transmettre ? Que transmet-il et comment ? – Quel est le sens de l’expression « la parole perdue » ? La parole peut-elle se retrouver ? Que fait le maître de cette parole ? Nous voyons bien tout l’intérêt de ces questions qui permettent de jeter d’autres regards, des regards nouveaux, sur ce que nous croyons familier. La quatrième partie précise certains symboles et expressions et compare les rituels des trois grades, structure et message. La dernière question posée, qui doit être posée, est : Faut-il tuer le maître ?

Ce vrai travail, insistons, ce travail véritablement initiatique, traite des fondements, de la traversée des dualismes, sans laquelle toute initiation est vaine, de la liberté qui constitue l’essence de l’initiation.

Nous ne pouvons que souhaiter que ce type d’initiative, salutaire pour la Franc-maçonnerie, se multiplie. On voit mal en effet comment la Franc-maçonnerie pourrait retrouver son caractère initiatique sans ce type d’effort qui restaure l’opérativité de base du travail de loge.

Maison de Vie Editeur, 16 boulevard Saint-Germain, 75005 Paris, France.

mardi 2 août 2011

Permanence de Paracelse

Paracelse, une lumière pour notre temps,de Charles Le Brun, Editions Arma Artis.

Théophraste von Hohenheim, Paracelse, a laissé une œuvre colossale qui demeure un fleuron de la Tradition et de l’hermétisme. Maître de l’alternative nomade ou de la circulation des élites qui caractérise les initiés, Paracelse n’apparaît d’aucun temps et, par conséquent, toujours actuel.

Charles Le Brun réussit là où tant d’autres auteurs ont échoué à restaurer la possibilité du lien traditionnel avec une œuvre fondatrice et une trace qui demeure. Sa réussite tient à son choix pertinent de ne pas chercher à donner une idée synthétique d’une oeuvre impossible à cerner mais à identifier quelques axes traditionnels puissants qui constituent les piliers de la cathédrale paracelsienne.

Nous sommes avec ce livre en pleine Tradition. Charles Le Brun rappelle les principes de celle-ci tout au long de l’ouvrage.

« Aux « Nobles Voyageurs » était réservée l’initiation dite de l’art royal, laquelle, on le sait, se rapporte non à l’ordre métaphysique pur, mais à l’ordre cosmologique et aux applications qui s’y rattachent et qu’en Occident on désigne sous l’appellation d’hermétisme. Nous voici donc au cœur des sciences traditionnelles dont l’étude trouve son couronnement dans l’accès et l’assimilation des « petits mystères ». (…)

Or, de par ses choix de vie si délibérément désaccordés des habitudes ordinaires, de par sa conception très particulière de l’acte médical, - la théorie des signatures naturelles et de la grande loi des concordances entre le grand et le petit monde – il proclame son rattachement à l’immémorial courant des serviteurs de l’authentique tradition. »

L’auteur ne cherche pas à poser les bases d’une biographie impossible tant l’obscurité entoure la vie de Paracelse, il pose rapidement quelques repères qui permettent de mieux comprendre les choix de Paracelse dans le contexte historique et religieux de son époque et les hostilités, parfois féroces, qu’il rencontra.

« Paracelse fonde sa médecine sur quatre colonnes, rappelle Charles Le Brun, la philosophie, l’astronomie, l’alchimie et le vertu. » Et de préciser : « L’alchimie, tant qu’elle ne s’abaissa point au niveau des basses manipulations ni ne sacrifia aux tentations de la richesse, fut l’art de dépouiller les choses du superflu qui les recouvre pour les conduire à leur pleine maturité. Amener à la lumière ce qui, dans l’ombre, est en attente. »

Paracelse qui se réfère non aux doctrines, souvent vaines, de l’Université mais à l’étude attentive du Liber Mundi, est en quête des intentions premières et du respect de celles-ci. Ces intentions structurent sa pensée, une pensée vivante qui ne peut se figer en système, enrichie par ses contradictions, visionnaire. Charles Le Brun a choisi non de rendre une cohérence mais de rendre compte de ce qui se présente à nous à travers Paracelse : le Mysterium Magnum et la séparation, question essentiel dans le jeu entre non-dualité et dualité, la loi des concordances en microcosme et macrocosme qui fonde, selon Robert Amadou, tout occultisme véritable, la véritable alchimie, le monde invisible et la lumière de la nature, la question, importante en théorie et en pratique, du temps, celle, essentielle, de la lumière de la grâce.

Revenons sur l’alchimie selon Paracelse et ses notions de Vulcanus et d’Archeus : « La séparation, certes, reste à l’honneur et elle demeure un sujet sur lequel le laborant doit se fixer. Cependant, une nouvelle approche est formulée en termes inédits propres au vocabulaire paracelsien. Vulcanus et Archeus, cités déjà dans un autre chapitre, sont les plus courants. Le premier, emprunté à la mythologie, désigne bien entendu le forgeron et le travail du feu. Mais ici sa fonction se précise : il est l’agent extérieur, invisible, qui accomplit les transformations nécessaires ; qui sépare le pur de l’impur, l’utile de l’inutile.

Le second, l’Archeus, auxiliaire du premier, en découle directement. Mais il est, en quelque sorte, le Vulcanus intérieur. Il agit en l’homme. »

Ces deux notions paracelsiennes évoqueront chez le chercheur l’hermès ou l’ibis des traditions alchimiques. Elles font sens, à la fois dans le domaine des alchimies métalliques et des alchimies internes, tout en les dépassant vers une modalité cosmologique. Il ne perd jamais de vue, tout comme Kunrath, la surnature.

« La lumière de la nature, déclare-t-il encore, est semblable à la clarté de la lune qui ne révèle qu’en partie ce que la nuit nous dissimule. La lumière de la grâce par contre, à l’instar de celle du soleil, repousse toute obscurité et découvre pleinement ce qui jusqu’alors restait caché. Elle ouvre grandes les portes du paradis céleste quand celle de la nature, au mieux, ne débouche que sur la sagesse naturelle. Agent de la rénovation de l’homme, bousculant tout ce que l’astre pouvait octroyer à ce dernier, elle surpasse toute science. »

Ce beau livre de Tradition, qui nous rappelle à l’Ordre, et non à l’ordre, invite à « rectifier », à renouveler l’expression de l’alliance toujours présente malgré les apparences, à rendre sa place à l’esprit, est un antidote aux débilités spirituelles comme aux bêtises de la modernité, rappel salutaire à soi et au Soi.

Charles Le Brun conclut son essai par ces phrases :

« Sur le grand cadran de l’horloge du monde, l’aiguille des heures tourne. Nul, bien sûr, n’en saurait situer l’exact emplacement. Toutefois, derrière le fracas des vanités, sous l’assourdissante rumeur des affaires, - elles sont de toutes sortes - les choses et les êtres vaticinent. Il suffit d’écouter. La fin des temps ? - - La fin d’un temps ? La fin d’un cycle ? Les hommes, cent et cent fois, se sont posés cette même question. Est-ce pour autant qu’elle est absurde ? Dans la sourde clameur des villes ; dans le remous des meutes humaines ; dans la course affolée des jours : la réponse est inscrite. Seules l’inattention, l’indifférence et l’épaisseur de la sottise humaine en obnubilent le message. Mais elle est là Formidablement dressée. A la croisée de tous nos chemins, du plus ordinaire au plus indéchiffrable. A la verticale de nos destinées. Inévitable. Et sa teneur, pour ce qu’on peut en deviner, n’a rien de rassurant. »

Editions Arma Artis, BP 3, F-26160 La Bégude de Mazenc.

dimanche 31 juillet 2011

Carlo Suarès

Lettre aux Juifs aux Chrétiens et aux Musulmans suivi de Quoi Israël ? de Carlo Suarès, avec une note de Marc Thivolet, Editions Arma Artis.

Ces deux textes brefs, le premier écrit en 1957, Lettre aux Juifs aux Chrétiens et aux Musulmans, le second en 1954, Quoi Israël ?, se révèlent d’une brûlante actualité et démontrent le caractère profondément visionnaire de la pensée si lucide de Carlo Suarès. Dans ces deux textes, il interroge la notion d’Etat, sa réalité, et sa prétention à la souveraineté.

« Or ce qui s’oppose le plus à la justice est la notion de souveraineté, où qu’elle soit, quelque minime, fragmentaire et modeste qu’elle puisse apparaître. Cette notion s’est implantée dans nos esprits de façon tragique. Vous devez la reconsidérer, faute de quoi nous ne serons jamais assez intelligents pour sortir de l’ère des conflits. Seul est souverain l’Eternel, le Dieu d’Abraham. Toute souveraineté humaine individuelle ou collective, spirituelle ou matérielle, ne s’instaure et se maintient que dans les limites de frontières confessionnelles ou territoriales. Elle rejette l’Eternel par sa propre affirmation. »

« L’idée de souveraineté nationale est devenue une religion mondiale si respectable qu’il suffit de l’invoquer pour que les têtes s’inclinent. Lequel de vos hommes pieux ose y voir la religion de Satan, du prince de ce Monde, toujours en conflit avec l’Eternel ? »

Il s’adresse ensuite successivement aux trois peuples d’Abraham pour les rappeler à la fois à la réalité et à la transcendance :

« Juifs de la dispersion. Il n’est pas suffisant de vous désolidariser de l’hérésie sioniste. Demandez-vous dans quel but et pour quelles raisons vous prolongez le particularisme de vos existences commerçantes. Certains disent que la voix de l’Eternel s’est tue mais que l’écho, le souvenir demeure. Quelle extraordinaire affirmation ! Comment savent-ils que la voix s’est tue ? Qui le leur a dit ? Pour les sourds, les vagues de l’océan sont muettes, aucun fracas n’accompagne les torrents dans les creux des montagnes, le vent ne chante pas dans les arbres. Et ce n’est pas la voix de l’Eternel qui demeure, mais des comptes rendus, des témoignages, des mots, des traductions en langues périmées, donc aujourd’hui des irréalités. »

« Chrétiens qui redoutez de mourir à vous-mêmes, abandonnez jusqu’à l’idée de faire votre salut. Revenez aux sources et vous saurez que le Christ est vivant aujourd’hui parmi vous, que les pieds charnels foulent le sol et qu’il se révèle à ceux qui, le reconnaissant, savent plonger leurs regards dans l’infinité de son regard, dénué d’assertion personnelle. »

« Juifs, Chrétiens, Musulmans, ayez pitié de vous-mêmes, ayez pitié du Dieu d’Abraham. Des peuples nombreux vous regardent. Certains, apportant d’Asie des sagesses multimillénaires, peuvent à bon droit vous dire que vos trois grandes religions leurs apparaissent comme trois sectes sanglantes, elles-mêmes subdivisés en sous sectes qui s’entr’égorgent. Et qu’avez-vous à leur dire, si vous n’éliminez pas, les uns et les autres, vos particularismes, si vous ne ramenez pas vos fois à l’essentiel ?

L’intelligence de cette paix est à votre portée. »

Carlo Suarès veut montrer, plutôt que démontrer, le non-sens général de l’Etat et particulier de l’Etat d’Israël mais, parce que, croyants ou non, nous sommes tous à la fois juifs, musulmans et chrétiens, ce message, cette lucidité sans faille, concerne tout citoyen de ce monde :

« Je dis : faites sauter ces frontières maintenant, tout de suite, en cet instant même, et que personne n’ose hausser les épaules à cet ordre ; Abraham n’a pas de frontières, ni le prophète Jésus, ni le prophète Mohammed. Et que faites-vous ? »

« Ces frontières géographiques, hérissées d’armes, servent, n’en doutez pas, les intérêts matériels de minorités puissantes. Mais ces puissances ne pourront jamais me contraindre à reproduire ces tracés dans mon cœur et dans ma pensée, et ne feront pas taire et ne bâillonneront pas ceux qui aujourd’hui m’entendent et ne les feront pas taire et seront vaincues. »

Il y a dans l’appel permanent de Carlo Suarès, une précision remarquable sur les écueils et sur ce qui fait avorter les révolutions. Quelques mois après les révolutions arabes, ces propos sont intensément nécessaires :

« Que prenne racine un nouvel Etat dans le sol empoisonné des fausses valeurs, et la révolution sera privée de sève. Je vois ces hommes jeunes et frais se débattre sous les coups brutaux des puissances qui les cernent de toutes parts, trébucher dans les pièges que leur tendent les fausses démocraties, les fausses libertés, les fausses civilisations de l’Ouest ou de l’Est. Je les entends invoquer l’esprit des prophètes, d’Abraham à Mohammed, appeler au secours pour éveiller ne serait-ce que l’écho de cette voix qui s’est tue… Je vois dans ce berceau consacré qu’est l’Egypte, la possibilité, la volonté, la nécessité d’une nouvelle naissance, d’une civilisation d’où l’Eternel ne serait pas rejeté ? »

1954. Plus d’un demi-siècle plus tard, ce n’est pas l’histoire qui se répète mais la bêtise et la cupidité humaines. Si Carlo Suarès invoque, encore et encore, l’Eternel c’est que l’Eternel n’est que Liberté absolue.

Editions Arma Artis, BP 3, F-26160 La Bégude de Mazenc.

lundi 23 mai 2011

Maître Secret

Le Maître Secret de Percy John Harvey, Tome I, collection Les Symboles Maçonniques, Maison de Vie Editeur.

Nous retrouvons dans cette première monographie d’une trilogie dédiée au grade de Maître Secret, l’un des grades les plus intéressants et les plus mal connus de la Franc-maçonnerie, les qualités des travaux de Percy John Harvey, clarté, pédagogie, pertinence initiatique, et cette entrée caractéristique qu’est le traitement du symbolisme par l’image, d’où la richesse de l’iconographie.

Ce premier tome est consacré au Symbolisme du grade. Le tome II, à paraître, traitera pour de L’Elévation au 4ème degré tandis que le tome III abordera Le Cartouche du 4ème degré et l’emblème du Maître secret. Trois parties permettent de poser le cadre du symbolisme de ce grade, particulièrement riche : la carte du Tuileur – le signe du secret – la clef ésotérique.

La partie consacrée au signe du secret, notamment au signe du silence ésotérique, ici traité en lien avec le signe pénal, intéressera au-delà de la Franc-maçonnerie, tout particulièrement les martinistes.

« Le silence, précise l’auteur, concerne le secret ésotérique. La parole est du domaine du sacré, faisant référence à la vérité divine.

Le silence et la parole sont en apparente opposition, mais se rejoignent par le secret et le sacré qui partagent une signification élémentaire voisine : la séparation.

Le secret, du latin secretum = « lieu écarté » et secretus = « séparé, à part, caché ».

Le sacré résulte de la séparation établie par la consécration, qui est une opération rituelle vouant à l’ordre du sacré ce qui appartient au monde profane.

Dans l’attente de retrouver la Parole perdue, le nouveau Maître maçon a reçu les mots M.B., substitués au véritable Mot sacré, qui appartiennent aux secrets du grade. »

Traitant de la clef ésotérique, Percy John Harvey insiste sur la richesse de la lettre Z, présente sur la clef d’ivoire, ésotérique, intérieure, lettre doublée dans le mot de passe du grade, Ziza, qui signifie « la resplendeur », mot qui n’est pas sans évoquer, le ressouvenir, la réintégration ou encore la reconnaissance…

Cette dialectique entre silence et parole ne doit pas être entendue seulement dans le contexte des interactions entre profane et sacré, elle peut s’inscrire avec force dans la seule dimension de l’interne. Il y a un silence externe et une parole externe. il y a aussi un silence interne et une parole interne.

Maison de Vie Editeur, 16 boulevard Saint Germain, 75005 Paris.

dimanche 22 mai 2011

"Ancients" & "Moderns"

Mahhabone ou la porte de la Grande Loge ouverte afin de révéler les secrets des « Ancients » et des « Moderns » présentation, traduction et commentaires de Joël Jacques, Maison de Vie Editeur.

L’édition de Mahhabone, un document du XVIIIème siècle, injustement oublié, présentant surtout la pratique des maçons irlandais, inédit en France, constitue une opportunité pour saisir la dialectique entre « Anciens Maçons » et « Nouveaux Maçons » et s’approcher du sens interne de l’initiation maçonnique quelque peu perdu. Si le texte est très londonien, particulièrement contextué, parfois déséquilibré, parfois naïf, les commentaires précieux de Joël Jacques, permettent à la fois de lui donner son sens historique et de dégager les dimensions et enjeux philosophiques que la confrontation, pas toujours fraternelle, exacerbe parfois.

Joël Jacques nous éclaire tout d’abord sur ce que sont ces Ancients et comment s’amorça le glissement spéculatif en réponse à l’évolution de la société et plus particulièrement du monde du travail :

« Nous pouvons à présent regrouper l’ensemble afin d’obtenir une image de la mouvance maçonnique la plus archaïque, c’est-à-dire celle revendiquée par les Ancients. Il s’agit d’un regroupement de Frères artisans, praticiens d’un métier et qui disposaient d’une certaine liberté de réunion et de déplacement d’un chantier à l’autre sans avoir les contraintes d’un contrat restrictif. Ils sont rejoints par d’autres compagnons, étrangers au métier et reçus dans la corporation pour leurs qualités et leurs savoirs afin de gérer les intérêts des chantiers, des Loges et de leurs membres dans un environnement économique et juridique de plus en plus complexe. Il s’agit donc bien d’un groupe de maçons Anciens, Libres (Franchisés) et Acceptés (Ancients, Free and Accepted Masons). »

Les Loges de Francs-maçons symboliques ou spéculatifs « n’ont pas été nécessairement constituées autour des métiers de bâtisseur. Ces maçons ne sont pas des constructeurs, pas plus, et c’est leur grande différence avec les « acceptés », qu’ils ne sont systématiquement gestionnaires des intérêts de l’Ordre. » A l’époque, les Loges ne sont pas aussi structurées et formalisées qu’aujourd’hui. Toutefois, nous reconnaissons dans les rituels de l’époque, les traits caractéristiques de ceux d’aujourd’hui.

La Franc-maçonnerie dite « spéculative » se trouve à la croisée de nombreuses influences, celles des Ancients, parfois par adhérence, parfois par distance, celle de la pensée philosophique des libertins et des sceptiques, des premiers regroupements de scientifiques, la pensée rosicrucienne rhénane… Elle bénéficie d’un terreau fertile et d’interrogations fondamentales, de remises en question sociétales inédites. Pour l’auteur, « la Franc-maçonnerie continentale issue des Moderns ne trouve pas directement ses origines chez les bâtisseurs. Sur ce point, à notre avis, la meilleure piste serait l’illuminisme élisabéthain et le rosicrucianisme. » Mais l’auteur reste conscient de l’hyper complexité des interactions humaines et sociétales. Il ne tombe pas dans le piège de chercher une vérité unique. Mahhabone donne à penser et son principal intérêt reste peut-être dans l’approfondissement de la pratique des rituels maçonniques.

Maison de Vie Editeur, 16 boulevard Saint-Germain, 75005 Paris, France.

samedi 21 mai 2011

Elus Coëns

Les sept sceaux des Elus Coëns de Serge Caillet, Editions du Mercure Dauphinois.

Voici le fruit de plusieurs années d’un travail approfondi consacré à la science sacerdotale des Elus Coëns

L'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers transmettait des initiations et des ordinations spécifiques, de forme maçonnique, quoique très différentes des grades maçonniques classiques. Ces initiations et ces ordinations habilitaient à la pratique d'opérations théurgiques, en quoi consistait le culte primitif, propre au sacerdoce adamique restauré par Martines de Pasqually (XVIIIème siècle). Cette école de théurgie fut celle de Louis-Claude de Saint-Martin, de Jean-Baptiste Willermoz et de quelques autres «émules», qui y recevront aussi de Martines, leur maître commun, la doctrine, apparentée au judéochristianisme, qu'ils transmettront à leur tour, l'un dans son oeuvre littéraire, l'autre dans le Régime écossais rectifié.

L’étude et, plus encore, la pratique de l’enseignement de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers sont d’une très grande exigence.

Serge Caillet, prolongeant et complétant avec rigueur le travail de Robert Amadou, analyse minutieusement ici, pour la première fois, grade par grade, les rites de réception et d'ordination des Elus Coëns, à partir des documents originaux qui nous sont parvenus. Il ouvre ainsi, pas à pas, les sept «sceaux» que représentent les sept classes de l'Ordre. Il met ainsi en perspective le cheminement initiatique d’un membre opératif de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l'Univers. Les détails et les liens présentés apportent tant à la compréhension, particulière, de la doctrine, qu’à la pratique opérative.

Cette nouvelle pierre à l’édifice de l’Ordre est d’importance. Plus que jamais, il est possible, à qui possède le vouloir, la tempérance et le cœur, d’accomplir l’œuvre opérative si difficile des Elus Coëns. Mais le travail de Serge Caillet permettra aussi aux martinistes, dans toutes les acceptions du terme, et aux membres du Régime Ecossais Rectifié, de mieux saisir l’intention de leurs courants initiatiques propres. Un livre indispensable.

Le Mercure Dauphinois, 4 rue de Paris, 38000 Grenoble, France.

mardi 26 avril 2011

Christianisme initiatique

Et si vous écoutiez les vraies paroles du Christ ? de Johannes Brücke, Maison de Vie Editeur.
C’est vraiment un excellent travail que celui proposé par Johannes Brücke, un retour à l’essentiel du christianisme, à sa dimension proprement initiatique. Le Christ, Roi-dieu, est avant tout initiateur. Et cette initiation n’est pas donnée, elle se conquiert.
« L’enseignement initiatique du Christ, insiste l’auteur, n’est pas destiné à la multitude et à la foule ; bien loin d’accueillir à bras ouverts les multiples candidats,, Jésus se présente lui-même comme une porte étroite que peu d’être parviennent à franchir, car il faut se dépouiller du « vieil homme », de tous les aspects profanes, pour se revêtir de l’ « homme nouveau ». Et c’est seulement au petit nombre d’adeptes jugés dignes d’accéder à ses mystères que le Christ dispensera son enseignement. »
Ce que Louis-Claude de Saint-Martin a si clairement identifié et développé dans son œuvre est ici condensé à travers une sélection d’enseignements brefs issus des Evangiles dits apocryphes, notamment ceux de Philippe et Thomas, mais aussi ceux de Marie, Marie-Madeleine, etc. sans laisser de côté les quatre Evangiles officiel et principalement celui de Jean. Le choix opéré est judicieux. Peu de mots pour induire un renversement. Quelques extraits :
« C’est par l’eau et par le feu que la totalité du lieu est purifiée, le visible par le visible, le caché par le caché.
Il y a des choses cachées par l’intermédiaire de celles qui sont visibles.
Il y a de l’eau dans l’eau, du feu dans l’huile sainte. » Evangile selon Philippe.
« Depuis toujours, les êtres authentiques assument leur vraie nature, et ce qui émane d’eux est l’authenticité, à savoir devenir l’être qu’on est. » Evangile selon Philippe.
« Quand vous ferez de deux un, vous deviendrez Fils de l’Homme. » Evangile selon Thomas.
« La vérité n’est pas venue dans le onde nue, mais sous la forme de symboles et d’images. Le monde ne pouvait pas la recevoir d’une autre manière. » Evangile selon Philippe.
« Lumière véritable, le Verbe a créé le monde. Et le monde ne l’a pas interrompue. » Evangile selon Jean.
« Là où se trouve l’esprit créateur,
Là se trouve le trésor. » Evangile selon Marie.
Nous avons bien là un christianisme comme voie d’éveil et non plus comme religion aliénante. L’auteur met en évidence l’axe primordial de la voie :
« Enseignement surprenant et essentiel : la véritable résurrection ne se produit pas après le décès, mais avant la mort, c’est-à-dire par l’initiation en conscience aux mystères ; et c’est ainsi que l’on vit de la vie divine (Evangile selon Philippe).
Un seul trésor, impérissable est à rechercher : le royaume de Dieu, qui consiste à faire ce qui est en haut comme ce qui est en bas, et à transformer la dualité en unité (Logia Agrapha). On s’éveille ainsi à l’authentique réalité qui n’ayant ni commencement ni fin, ne saurait mourir ; mais seuls les « fils de l’Homme accompli » ne meurent pas, puisqu’ils sont perpétuellement régénérés (Evangile selon Philippe). Et nul n’accède au ciel s’il ne provient du ciel (Evangile selon Jean). »
Les paroles du Christ, rassemblées dans ce livre, sont fondatrices d’une véritable démarche initiatique dans le cadre d’un christianisme rigoureux et non dogmatique. L’auteur fait non seulement œuvre utile mais s’inscrit dans un véritable travail d’éveil.
Maison de Vie Editeur, 16 boulevard Saint-Germain, 75005 Paris, France.

vendredi 22 avril 2011

Franc-maçonnerie allemande au XVIIIe siècle

Ernst et Falk. Causeries pour Francs-maçons de Gotthold Ephraim Lessing, traduction et présentation de Lionel Duvoy, collection Petite bibliothèque de la Franc-maçonnerie, Editions Dervy.
Ce document rédigé par Lessing (1729-1781) est un témoignage très intéressant sur un moment de l’histoire de la Franc-maçonnerie allemande et notamment de la Stricte Observance Templière et du Régime Ecossais Rectifié. Il se présente sous la forme de cinq dialogues entre un profane, Ernst, qui sera reçu Apprenti maçon entre la troisième causerie et la quatrième et Falk, Franc-maçon.
Les dialogues interrogent les buts, les fonctions et les réalités d’une Franc-maçonnerie allemande qui, à cette époque, traverse une crise importante.
L’auteur est à l’époque bibliothécaire personnel du Duc Karl Wilhelm Ferdinand von Brunswick (1735-1806), alors Grand Maître de la Stricte Observance Templière. La Franc-maçonnerie allemande est le centre d’une lutte d’influence entre les Illuminés de Bavière de Weishaupt (1748-1830), propagateur des idées révolutionnaires, et les néo-templiers de la S :.O :.T :..
Le Duc Karl Wilhelm Ferdinand von Brunswick craignant les idées révolutionnaires opte pour les propositions du Baron von Hund (1722-1776). En 1782, le Convent de Wilhelmsbad (1782), en signant l’acte de fondation du Régime Ecossais Rectifié allait mettre un terme à ce que Lionel Duvoy désigne avec raison comme une dérive de l’Ordre maçonnique en général. Lionel Duvoy pense que la critique de Lessing, développée dans les « Causeries » et dans les échanges avec le Duc, renforça l’analyse du Duc Karl Wilhelm Ferdinand von Brunswick et contribua aux résultats du Convent. C’était un an après la mort de Lessing.
Les deux dernières causeries révèle un Ernst fraîchement initié et déjà déçu. Les critiques sont de deux ordres, l’un contextuel, particulier à la situation allemande, l’autre général, propre à la démarche maçonnique.
En effet, Lionel Duvoy signale que « la crise de conscience que tout Franc-maçon un tant soit peu impliqué dans la démarche initiatique vit à un moment ou à un autre de son cheminement, apparaît ici en formules claires dans la bouche du nouvel initié. ». Lessing déplore notamment « qu’une organisation universaliste engendre des clans idéologiques ».
Outre l’intérêt historique du document, nous partageons la proposition de Lionel Duvoy quant à ce texte :
« Considérons alors ces cinq dialogues comme un vade-mecum à l’usage des frères qui, un jour, ont à se dévoiler ou qui, dans leur for intérieur, vivent une crise de conscience maçonnique. La fierté d’être le chaînon d’une tradition immémoriale, aussi ancienne, comme l’écrit Lessing, que la société humaine, ne doit pas faire oublier que les travaux maçonniques obéissent à un impératif catégorique commun à tous les Francs-maçons : poursuivre hors du temple l’œuvre qui y a été commencée. »
Editions Dervy, 22 rue Huyghens, 75014 Paris.

mercredi 20 avril 2011

Rite Opératif de Salomon

Le Rite opératif de Salomon, 3 volumes : Apprenti, des Ténèbres à la Lumière – Compagnon, du spéculatif à l’opératif - Maître, de la Mort à la Vie, par Monique Amiot, Xavier Tacchella, Maison de Vie Editeur.
Le Rite Opératif de Salomon, R :. O :. S :., est l’un des plus jeunes rites maçonniques. Pour cette raison, il demeure mal connu et ces trois volumes qui lui sont consacrés constituent une opportunité de découvrir et mieux comprendre un rite à la fois traditionnel et original dans lequel le symbolisme tient une place prépondérante.
Le Rite Opératif de Salomon est né il y a plus de trente ans au sein d’une Loge parisienne, dans le cadre du Grand Orient de France, dont il se détacha assez rapidement, notamment en raison de sa mixité, pour essaimer et fonder l’ordre Initiatique et Traditionnel de l’Art Royal, O :. I :. T :. A :. R :. Qui regroupe aujourd’hui les nombreuses Loges pratiquant ce rite. La volonté des fondateurs était de revenir à la Tradition et à la fonction initiatique des rites, de se changer soi-même pour changer le monde et non l’inverse.
Sept principes président le R :. O :. S :. : Le respect des autres et la dignité de soi ; La liberté de conscience et l’égalité parfaite ; La compréhension réciproque et la tolérance mutuelle ; L’amour fraternelle et l’amitié fidèle ; la confiance absolue et le dévouement exemplaire ; La justice pour chacun et l’équité pour tous ; Le perfectionnement individuel et l’amélioration collective. On notera que cette présentation en deux segments oblige à une dialectique qui évite de figer un processus en sentence. Les principes s’interrogent et se mettent en œuvre au quotidien.
Les auteurs traitent les principaux termes maçonniques à travers des axes bien précis, raison, espace, décors, temps, auxquels s’ajoutent des remarques complémentaires. Cela permet de structurer aussi bien la Galerie aux manœuvres choisis, la Carrière, le Triangle, le Chantier, le cercle du Bon Savoir, le Cercle de Recherches Thématiques et la Loge, à la fois comme lieu et comme fonction d’appel ou d’initiation.
Aux trois grades d’Apprenti, Compagnon, Maître, les auteurs s’efforcent de dégager l’essence des outils, leur force symbolique et d’indiquer ou suggérer leur dimension opérative. Ils n’hésitent pas à emprunter une démarche comparative entre les rites, chacun éclairant une facette d’un même outil. D’une manière générale, le R :. O :. S :. cherche à renouer avec l’esprit vivifiant du compagnonnage, à s’enrichir de la rencontre avec d’autres rites, d’autres loges, d’autres Francs-maçons. Le grade de Compagnon, si important, est trop souvent négligé. Il est pourtant la clef d’une maîtrise réussie. De manière similaire, le R :. O :. S :. insiste sur la Géométrie et demande au Compagnon d’exécuter effectivement des tracés, dont celui de la section dorée. Cette préparation rigoureuse permettra au Compagnon, après la réalisation de son chef d’œuvre et la présentation d’un travail d’augmentation de salaire, de répondre aux questions posées lors de l’Audition du Compagnon fini, questions qui visent à vérifier la réalité de ses connaissances.
Le volume consacré au grade de Maître commence par une indispensable exploration de la Chambre du Milieu et du sens même de l’élévation :
« Conformément à la doctrine alchimique, Hiram est trouvé putréfié par les Maîtres qui le cherchent, et bien que la chair se détachât des os, il est relevé ! De même Osiris, fait des morceaux retrouvés par Isis, sera relevé. De même Jésus, après trois jours passés dans le monde des morts ressort vivant de son tombeau.
Dans cette résurrection hiramique comme christique, il faut donner le sens d’Anagogia, c’est-à-dire, élévation, signifiant par là l’élévation de l’homme au divin, le passage de la nature humaine à la nature divine : c’est ce qui confirme le passage de l’équerre au compas. Compas qui sert à tracer le cercle symbolique du serpent qui se mord la queue, l’ouroboros symbole d’éternité et d’immortalité.
C’est la réintégration de l’être cher à Martines de Pasqually, le retour à l’Adam Kadmon, l’homme originel d’avant la faute, celui à qui Yahvé dit : « Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu deviendras mortel. » (Genèse 2, 17). »
Les composants du grade sont analysés, souvent en référence à la tradition de la langue hébraïque : les cinq points parfait de la Maîtrise, le mot sacré, les nombres du Maître…
Les trois volumes proposent beaucoup de documents anciens. Le troisième volume, consacré au grade de Maître rassemble plusieurs expressions de la légende d’Hiram, selon la Bible, dans la littérature, chez Gérard de Nerval, et selon divers rites, du R :. E :. A :. A :. au Rituel du Duc de Chartres de 1784, en passant par le R :.E :.R :. ou le Rite Standard d’Ecosse, entre autres. Chacune de ses lectures délivre dans la conscience des processus différents qui tous convergent cependant vers une structure absolue.
Nous voyons que ces trois volumes, très pédagogiques, ne sont pas seulement destinés à nous faire mieux comprendre le R :. O :. S :., ses spécificités, ses richesses, ils intéresseront tout Franc-maçon désireux de se perfectionner en interrogeant une fois de plus ses propres travaux.
Maison de Vie Editeur, 16 boulevard Saint-Germain, 75005 Paris, France.